Textes et poèmes





La poésie que j'aime: Charlie Chaplin.

J'ai
pardonné des erreurs presque impardonnables, j'ai essayé de remplacer
des personnes irremplaçables et oublier des personnes inoubliables.
J'ai agi par impulsion, j'ai été déçu par des gens que j'en croyais
incapables, mais j'ai déçu des gens aussi. J'ai tenu quelqu'un dans mes
bras pour le protéger. J'ai ri quand il ne fallait pas. Je me suis fait
des amis éternels. J'ai aimé et l'ai été en retour, mais j'ai aussi été
repoussé. J'ai été aimé et je n'ai pas su aimer. J'ai crié et sauté de
tant de joies, j'ai vécu d'amour et fait des promesses éternelles, mais
je me suis brisé le coeur, tant de fois ! J'ai pleuré en écoutant de la
musique ou en regardant des photos. J'ai téléphoné juste pour entendre
une voix, je suis déjà tombé amoureux d'un sourire. J'ai déjà cru
mourir par tant de nostalgie et j'ai eu peur de perdre quelqu'un de
très spécial (que j'ai fini par perdre)... Mais j'ai survécu ! Et je
vis encore !
Et la vie, je ne m'en passe pas...
Et toi non plus tu ne devrais pas t'en passer. Vis !!!
Ce qui est vraiment bon, c'est de se battre avec persuasion, embrasser
la vie et vivre avec passion, perdre avec classe et vaincre en osant,
parce que le monde appartient à celui qui ose et que LA VIE C'EST
BEAUCOUP TROP pour être insignifiante !
                                  

          
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La poésie que j'aime: Arthur Rimbaud.


Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;
Mon paletot soudain devenait idéal;
J'allais sous le ciel, Muse, et j'étais ton féal;
Oh! là là! que d'amours splendides j'ai rêvées!
Mon unique culotte avait un large trou.
Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur!


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               Molière, Tartuffe, 1664.           



Voilà de vos pareils le discours ordinaire :
Ils veulent que chacun soit aveugle comme eux.
C'est être libertin que d'avoir de bons yeux,
Et qui n'adore pas de vaines simagrées,
 

N'a ni respect ni foi pour les choses sacrées. 
Allez, tous vos discours ne me font point de peur : 
 Je sais comme je parle, et le Ciel voit mon coeur. 
De tous vos façonniers on n'est point les esclaves. 
Il est de faux dévots ainsi que de faux braves ;  
Et comme on ne voit pas qu'où l'honneur les conduit 
 Les vrais braves soient ceux qui font beaucoup de bruit, 
 Les bons et vrais dévots, qu'on doit suivre à la trace, 
Ne sont pas ceux aussi qui font tant de grimace. 
Hé quoi ? vous ne ferez nulle distinction 
 Entre l'hypocrisie et la dévotion ? 
Vous les voulez traiter d'un semblable langage, 
Et rendre même honneur au masque qu'au visage,  
Égaler l'artifice à la sincérité,  
Confondre l'apparence avec la vérité, 
Estimer le fantôme autant que la personne, 
 Et la fausse monnaie à l'égal de la bonne ? 
Les hommes la plupart sont étrangement faits ! 
 Dans la juste nature on ne les voit jamais ; 
 La raison a pour eux des bornes trop petites ; 
En chaque caractère ils passent ses limites ; 
Et la plus noble chose, ils la gâtent souvent  
Pour la vouloir outrer et pousser trop avant.

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                      Le mot                                     

Braves gens, prenez garde aux choses que vous dites ! Tout peut sortir d'un mot qu'en passant vous perdîtes ; 
TOUT, la haine et le deuil ! 
Et ne m'objectez pas que vos amis sont sûrs et que vous parlez bas.
Écoutez bien ceci :
Tête-à-tête, en pantoufle,

 Portes closes, chez vous, sans un témoin qui souffle, 
Vous dites à l'oreille du plus mystérieux  
De vos amis de coeur ou si vous aimez mieux, 
Vous murmurez tout seul, croyant presque vous taire, 
Dans le fond d'une cave à trente pieds sous terre,  
Un mot désagréable à quelque individu.  
Ce MOT - que vous croyez que l'on n'a pas entendu,  
Que vous disiez si bas dans un lieu sourd et sombre - 
Court à peine lâché, part, bondit, sort de l'ombre ; 
 Tenez, il est dehors ! Il connaît son chemin ; 
 Il marche, il a deux pieds, un bâton à la main, 
  De bons souliers ferrés, un passeport en règle ; 
  Au besoin, il prendrait des ailes, comme l'aigle ! 
 Il vous échappe, il fuit, rien ne l'arrêtera ; 
 Il suit le quai, franchit la place, et caetera 
  Passe l'eau sans bateau dans la saison des crues,
  Et va, tout à travers un dédale de rues, 
 Droit chez le citoyen dont vous avez parlé. 
  Il sait le numéro, l'étage ; il a la clé,
 Il monte l'escalier, ouvre la porte, passe, entre, arrive 
 Et railleur, regardant l'homme en face dit : 
 "Me voilà ! Je sors de la bouche d'un tel."
Et c'est fait. Vous avez un ennemi mortel.
 
                                
                                                                                                                      Victor Hugo

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Chagall par Aragon


Tous les animaux et les candélabres
Le violon-coq et le bouc-bouquet
Sont du mariage

L'ange à la fenêtre où sèche le linge Derrière la vitre installe un pays Dans le paysage
Mon peintre amer odeur d'amandes
Les danseurs ont bu le grand soleil rouge Qui se fera lune avant bien longtemps Sur les marécages
Et le cheval-chèvre assis dans la neige Aimerait parler avec les poissons Qui sont trop sauvages
Mon peintre amer odeur d'amandes
Le peintre est assis quelque part dans l'ombre A quoi rêve-t-il sinon des amants Sur leur beau nuage
Au-dessus des toits à l'horizontale Dans leurs habits neufs avant d'être nus Comme leurs visages
Mon peintre amer odeur d'amandes
Marchez sur les mains perdez votre tête Le ciel est un cirque où tout est jonglé Et le vent voyage
Tous les animaux et les candélabres Le violon-coq et le bouc-bouquet Sont du mariage
Mon peintre amer odeur d'amandes

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A qui la faute ?
Victor HUGO   (1802-1885)




Tu viens d'incendier la Bibliothèque ?
- Oui.
J'ai mis le feu là.

- Mais c'est un crime inouï !
Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage
Le livre, hostile au maître, est à ton avantage.
Le livre a toujours pris fait et cause pour toi.
Une bibliothèque est un acte de foi
Des générations ténébreuses encore
Qui rendent dans la nuit témoignage à l'aurore.
Quoi! dans ce vénérable amas des vérités,
Dans ces chefs d'oeuvres pleins de foudre et de clartés,
Dans ce tombeau des temps devenu répertoire,
Dans les siècles, dans l'homme antique, dans l'histoire,
Dans le passé, leçon qu'épelle l'avenir,
Dans ce qui commença pour ne jamais finir,
Dans les poètes! quoi, dans ce gouffre des bibles,
Dans le divin monceau des Eschyles terribles,
Des Homères, des jobs, debout sur l'horizon,
Dans Molière, Voltaire et Kant, dans la raison,
Tu jettes, misérable, une torche enflammée !
De tout l'esprit humain tu fais de la fumée !
As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? Le livre est là sur la hauteur;
Il luit; parce qu'il brille et qu'il les illumine,
Il détruit l'échafaud, la guerre, la famine
Il parle, plus d'esclave et plus de paria.
Ouvre un livre. Platon, Milton, Beccaria.
Lis ces prophètes, Dante, ou Shakespeare, ou Corneille
L'âme immense qu'ils ont en eux, en toi s'éveille ;
Ébloui, tu te sens le même homme qu'eux tous ;
Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ;
Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croître,
Ils t'enseignent ainsi que l'aube éclaire un cloître
À mesure qu'il plonge en ton coeur plus avant,
Leur chaud rayon t'apaise et te fait plus vivant ;
Ton âme interrogée est prête à leur répondre ;
Tu te reconnais bon, puis meilleur; tu sens fondre,
Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs,
Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs !
Car la science en l'homme arrive la première.
Puis vient la liberté. Toute cette lumière,
C'est à toi comprends donc, et c'est toi qui l'éteins !
Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints.
Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
Les liens que l'erreur à la vérité mêle,
Car toute conscience est un noeud gordien.
Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l'ôte.
Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !
Le livre est ta richesse à toi ! c'est le savoir,
Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
Le progrès, la raison dissipant tout délire.
Et tu détruis cela, toi !


- Je ne sais pas lire.



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"Le temps qui reste " Serge Reggiani.



Combien de temps...
Combien de temps encore
Des années, des jours, des heures, combien?
Quand j´y pense, mon coeur bat si fort...
Mon pays c´est la vie.
Combien de temps...
Combien?

Je l´aime tant, le temps qui reste...
Je veux rire, courir, pleurer, parler,
Et voir, et croire
Et boire, danser,
Crier, manger, nager, bondir, désobéir
J´ai pas fini, j´ai pas fini
Voler, chanter, partir, repartir
Souffrir, aimer
Je l´aime tant le temps qui reste

Je ne sais plus où je suis né, ni quand
Je sais qu´il n´y a pas longtemps...
Et que mon pays c´est la vie
Je sais aussi que mon père disait :
Le temps c´est comme ton pain...
Gardes-en pour demain...

J´ai encore du pain
Encore du temps, mais combien?
Je veux jouer encore...
Je veux rire des montagnes de rires,
Je veux pleurer des torrents de larmes,
Je veux boire des bateaux entiers de vin

De Bordeaux et d´Italie
Et danser, crier, voler, nager dans tous les océans
J´ai pas fini, j´ai pas fini
Je veux chanter
Je veux parler jusqu´à la fin de ma voix...
Je l´aime tant le temps qui reste...

Combien de temps...
Combien de temps encore?
Des années, des jours, des heures, combien?
Je veux des histoires, des voyages...
J´ai tant de gens à voir, tant d´images..
Des enfants, des femmes, des grands hommes,
Des petits hommes, des marrants, des tristes,
Des très intelligents et des cons,
C´est drôle, les cons ça repose,
C´est comme le feuillage au milieu des roses...

Combien de temps...
Combien de temps encore?
Des années, des jours, des heures, combien?
Je m´en fous mon amour...
Quand l´orchestre s´arrêtera, je danserai encore...
Quand les avions ne voleront plus, je volerai tout seul...
Quand le temps s´arrêtera..
Je t´aimerai encore
Je ne sais pas où, je ne sais pas comment...
Mais je t´aimerai encore...
D´accord?

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La poésie que j'aime: Joumana HADDAD

La rue que j’habite

La rue que j'habite n'est pas droite ni sinueuse ni circulaire. Elle n'est pas bordée de fleurs, ni de bons sentiments, ni même de pensées confuses. On n'y parle pas, on n'y commence rien, on n'y embrasse jamais sur la bouche. Il n 'y a pas de maisons, ni d'oiseaux perdus, ni de vieux sages qui s'assoient à l'ombre. La rue que j'habite n'est pas une rue.

Il fait toujours noir dans la rue que j'habite. La lune brille de son absence, la nuit double la nuit. Le paysage est un caillou pointu sous la plante des pieds, et chaque regard est une blessure. Les ténèbres sont le lieu et le non-lieu, et il n 'y a pas d'autre rive.

La rue que j'habite est un fil de fer. Je suis son funambule, son otage. Elle vibre sous moi et menace de me renverser. Je m'y accroche, je m'y pends. Elle est ma peur et mon évasion. Puis soudain elle devient rail, échelle, ride, chute où je ne cesse de dire adieu à toutes les montagnes qui partent sans moi.

La rue que j'habite est une main. La main de l'homme que j'aime. Elle me caresse, veut me posséder. Je ne lui appartiens pas. Elle le sait. Elle me rend à moi et me porte sans m'avoir.

La rue que j'habite est la couleur bleue. Je suis sa vagabonde, j'erre sur son asphalte liquide et dors dans ses recoins d'encre. Je suis sa troupe de nuages, ses algues, sa peau chaude comme une volupté qui arrive. Barque errante dans une tempête, appel, proue, éclair, elle m'emmène vers le visage qui me ressuscite. Elle me multiplie.

La rue que j'habite est un laps de temps. Une attente qui se prolonge à l'infini. Troublantes minutes qui s'accumulent entre deux débuts, trois oublis. Moment inattendu qui fait tomber les murs.

Je n'habite pas la rue que j'habite. Je n'habite pas cette douleur obstinée à chaque pas, ces ongles qui me posent des questions, cette paupière fermée sur mes cris. Car j'habite la rue que je n'habite pas. Et nous sommes partout.

La rue que j'habite est un sexe d'homme gonflé de désir. Pont tendu entre l'univers et moi. Fruit merveilleux qui vit de mon corps. Œil qui me donne à boire puis me happe dans son tourbillon. Tunnel pluvieux d'où je ne voudrais jamais sortir.

La rue que j'habite est un poème. Elle marche, marche en moi.

Et je la suis.
 
 

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